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Catamaran

Navigation de nuit en catamaran

Allez, bonjour à tous et à toutes. Aujourd’hui, on parle navigation de nuit en catamaran. Vidéo qui suit la vidéo que j’ai faite sur le marché du bateau, mais où j’expliquais aux gens qui ont pris le pack que voilà, il y a des endroits à éviter pour trouver des catamarans parce que quand vous êtes là-bas, vous ne trouvez aucune pièce et la main-d’œuvre coûte très cher. Puis il y a des endroits où c’est complètement l’inverse, et puis il y a surtout des endroits où on trouve des bateaux pas chers. J’expliquais là avec Jean-Pascal : on est sur un 47 pieds à moins de 100 000 €. Vous voyez, il y a des affaires à faire. Bref, ça c’est pour ceux qui ont pris le pack. On va parler de suite navigation de nuit, et je vais vous amener donc sur… alors première chose sur laquelle je voulais parler : je suis assez surpris, je vous mets les images dans mon dos. Donc là, vous avez un Lagoon sur lequel vous voyez qu’il y a un bout-dehors, et sur la martingale, vous pouvez voir qu’il y a les feux de nav. Et la deuxième photo que je vous mets, c’est — j’ai pris des premières marques françaises, je ne vais pas les citer mais elles sont toutes pareilles — c’est un Fountaine Pajot, et la même chose : vous pouvez voir qu’il y a un bout-dehors, et navigation. Donc là, il faut savoir que premièrement, en fonction de la taille de votre voilier, vous pouvez couper vos feux de nav en étrave et ne pas utiliser ceux qui sont sur cette martingale. Et c’est la première chose que je vous conseille de faire. Donnons deux raisons parmi d’autres, les plus évidentes, pour expliquer et soutenir mon propos. La première, c’est que si tu fais une nav de nuit dans du très light, parce que tu as pris un créneau léger et tu te dis : « voilà, cette nuit c’est hyper light, on ne se prend pas la tête, ça ne va pas monter à plus de 10-12 nœuds, on se met le gennaker dehors tranquillement, on va naviguer à 4 nœuds, 4 nœuds et demi, il n’y a pas de mer, c’est tranquille, on se fait la nav comme ça, on ne fera pas 80 milles dans la nuit mais c’est pas grave, au moins c’est pépère, c’est tranquille, celui qui dort peut dormir, ça ne bouge pas, ce qu’on fait », voilà. Quand on navigue, ce sont les conditions qu’on prend, on n’est pas toujours en train de se mettre dans la baston. Et là, si tu fais ça, il faut savoir que ton gennaker, il est sur le bout-dehors qui est dehors, et que toute la partie — donc admettons que le vent vienne de bâbord et que tu sois donc avec le gennaker tribord — toute la partie des bateaux qui sont sur ton tribord avant ne voit pas les feux de nav qui sont cachés derrière ton gennaker. Et oui. Alors j’ai envie de te dire, sur bâbord, le feu rouge dans la voile du gennaker, bon, ça fait un reflet, on voit peut-être la voile de nuit, mais alors le feu vert, laisse tomber. Le mec à 2000 mètres de toi ou 1000 mètres de toi, quand il arrive en face de toi de l’autre côté, là, s’il est en face, il voit les deux feux de temps en temps parce que ton gennaker il bouge un petit peu, puis dès qu’il se décale un peu de ton avant, c’est fini, tu as perdu. Le mec ne sait pas que tu es là, tu n’existes plus. Donc ça, première chose. Si vous avez les feux en tête de mât, gennaker ou pas gennaker, le mec il sait que tu es là. Deuxième cas de figure : si vous naviguez dans une mer qui est un peu formée — je ne dis pas du gros temps mais une mer un peu formée — quand tu vas descendre dans le creux de la vague et que le mec qui est en face de toi est dans le haut de la vague, eh bien tes feux qui sont sur ta martingale, c’est pareil : dans le creux de la vague on ne les voit pas, parce que la vague les cache. Donc le mec, tu es en train de lui faire du morse si tu veux : il te voit, il ne te voit plus. Vous êtes en train de jouer à cache-cache. Et ça, c’est quelque chose qui t’arrive à toi quand tu suis les bateaux à moteur, et qu’il y a un peu de houle. Merde, il est passé. Ah oui, ça y est, il est là. Donc chaque fois que le mec passe dans un creux de vague avec son bateau, tu as tendance à le perdre. Et chaque fois qu’il remonte, tu as tendance à le retrouver. Donc ça nous agace à mort, nous, quand on voit les bateaux qui font ça. Mais si on est deux en train de se faire ça, et que pour un peu la veille n’est pas bien faite… voilà. Par contre, si tu es en tête de mât, bon ben voilà, il voit très bien ton feu rouge, ton feu vert, qui montent et qui descendent, mais il sait que tu es là, il te suit, il n’y a pas de problème. Ça, il faut en avoir conscience. Et n’ayez pas à l’idée de dire : « oui, mais c’est pas grave, il me voit sur le radar, il me voit sur mon AIS ». Mais ça, j’en ai déjà parlé des centaines et des milliers de fois. C’est vrai quand tu navigues dans un endroit où il n’y a pas de barque de pêche, dans des pays de riches, mais dès que tu vas dans des endroits où ça pêche beaucoup — comme ici, l’Asie, la République dominicaine, le bord du Venezuela, toute l’Amérique latine, le Brésil — enfin, dès que vous sortez un petit peu de l’Europe et des Antilles. voilà, eh bien il y a des pêcheurs partout. Les mecs, de nuit, ils n’ont pas de lumière, ils n’ont pas de radar à bord de leur truc et ils n’ont pas d’AIS. Et la seule chose qu’ils voient, ce sont tes feux de navigation la nuit. Donc, et en général, le mec, il a une lampe flash, et il te fait des flashs, puisque lui, il a un bateau de moins de 7 mètres. Donc il n’a pas l’obligation, je vous le rappelle, que les bateaux de moins de 7 mètres n’ont pas l’obligation d’avoir des feux la nuit. Donc ça veut dire qu’un bateau de pêche de moins de 7 mètres, le mec est dans sa barque de 4,50 m et il pêche la nuit, la seule chose qu’il est obligé de faire, c’est de te mettre des flashs. C’est la réglementation, il est dans son droit. Toi, tu es en train de naviguer, tu te dis : « bon mon AIS et mon radar font l’affaire ». Non. Les radars, ils ne font pas l’affaire du tout. Tu ne verras pas le mec, et c’est normal, il n’a pas l’obligation d’avoir de lumière. Donc, et lui, s’il ne dort pas, il va te faire du flash ; s’il dort, il ne voit pas, il ne flash pas. Donc la nuit, ce qui vient à mon deuxième propos sur les navigations de nuit en catamaran : aucun d’entre nous — moi le premier — n’a envie de se souffrir du froid à l’extérieur du bateau. Donc si tu fais un bord de travers ou un bord de largue la nuit, alors que, à l’intérieur de ton carré de cata, tu as une vue à 360°, et tu peux tranquillement — ça c’est pareil, c’est quelque chose que j’adore, je ne sais pas si vous l’avez à bord, si vous ne l’avez pas, regardez un petit peu si votre électronique le fait — mais c’est d’avoir une tablette répétiteur. Si ta tablette fait répétiteur de ton écran Garmin que tu as au poste de barre, donc si tu n’en as pas, tu n’es pas obligé d’avoir un deuxième écran fixe à l’intérieur, à ta table à cartes : tu peux l’avoir en tablette. Et en plus, ce qui est bien, c’est qu’elle commande l’autre. Donc tu peux zoomer dessus, regarder, etc. Elle fait la même fonction, mais tu l’as en forme de tablette, ce qui permet de te mettre où tu veux, et d’avoir l’écran avec toi. Tu n’es pas obligé d’être assis à ta table à cartes à l’intérieur. Et ce qui permet aussi de, peut-être, ne pas se mettre au vent. Admettons que tu as un hard top, et que le poste de barre il est là-bas, à l’arrière, et que tu es tout seul là-bas à passer ta nuit : tu peux peut-être te mettre tranquillement, latéral, à l’intérieur — pas au carré intérieur, mais au carré extérieur — sur le bord, tu es protégé du vent, et tu regardes tranquillement ton avant. Tu regardes s’il y a des barques de pêche, des choses comme ça. Parce qu’il faut bien vous dire que l’erreur à ne pas faire en cata, de nuit, près des côtes, dans des endroits où il y a des bateaux de pêche, c’est de rester à l’intérieur. Donc ça, on a tous tendance à le faire parce qu’il fait bon. Alors je ne dis pas qu’il ne faut pas rentrer 5-10 minutes, se faire un café, se réchauffer un peu, etc. Mais essayez — alors quand on est au milieu de l’Atlantique, en transat, et que là, on ne va pas trop croiser une barque de pêche, donc il y a 8 chances sur 10 que si un mec est autour de toi, tu vas le choper soit au radar, soit à l’AIS. Et que déjà, quand tu chopes des gens autour de toi en transat, c’est bien. En général, tu ne vois pas grand-chose. Si tu ne passes pas ton temps sur le radar ou sur la veille, tu ne vois pas un chat. Tu ne vois pas une lumière, tu ne vois pas un chat. Parce que voilà, la probabilité de se croiser en mer, elle est assez faible. Donc là, on parle d’autre chose. Là, on est au milieu du grand bleu, il n’y a personne qui vit à 1000 kilomètres à la ronde. On peut se relâcher un petit peu, être un peu plus à l’intérieur et s’économiser. Voilà. Mais quand on fait de la navigation près des côtes, à moins de 20 milles, ayez cette conscience de vous dire : c’est bien d’être vu, mais voir c’est encore mieux. Donc comptez plus sur vous que sur les autres. Je vais vous raconter une anecdote qui est une histoire vraie : je pars, on est avec Sol, je suis sur mon 38 pieds, je suis seul, et on est à Carthagène, en Colombie, pour remonter sur la Jamaïque. Il faut savoir qu’entre la Colombie, la Jamaïque et la République dominicaine, les vents sont est-ouest pratiquement tout le temps. Et de temps en temps, ils sont nord-ouest, donc ils sont plutôt descendants. Donc là, quand tu remontes tout droit comme ça, comme tu crées du vent apparent, tu vas faire un bord de près. Et en plus de ça, il y a un courant dans ce coin-là, entre la Colombie et la République dominicaine, qui pousse à l’ouest. Ce qui veut dire que tu as un mal fou à tenir ton cap droit, puisque le courant t’amène ici. Donc déjà, tu as une grosse dérive de courant. Donc pour aller à l’île en face, tu es obligé de viser à l’est. Donc déjà, tu es en train de te rapprocher du vent qui est déjà en train d’exister. Et comme le vent il est ici, c’est fini, tu ne passes pas. Donc il faut vraiment essayer de prendre un créneau météo où tu as du vent qui est à ton 90°, voire si tu peux, au 100°, mais ce n’est pas une nav qui fait 24 h, c’est une nav qui dure deux jours et demi, trois jours. Je ne sais plus combien de temps ça dure exactement

Donc pour trouver un créneau qui est bien dans le bon sens, qui est remontant, etc., c’est pas évident. En général, tu pars sur un créneau qui est bon et tu sais que plus ça va avancer, plus ça va se refermer, et plus ça va se refermer, plus tu remontes, et tu te rapproches donc de la République Dominicaine et de la Jamaïque. Donc plus tu vas avoir tendance à ce que les vents diminuent, parce que ce sont des îles — la République Dominicaine, c’est une île haute — donc elle va casser plus ou moins le vent. Donc le vent sur le haut, il sera moins fort, donc ça va te permettre d’être un peu meilleur sur ton bord de près. Il y aura moins de mer en fait. La houle sera moins grosse, donc tu seras un peu meilleur sur ton bord de près.

Tout ça pour vous dire qu’on part à trois bateaux, et on décide de remonter donc sur la Jamaïque. On ne se dit pas qu’on va s’appeler à la VHF, qu’on va se suivre ou faire des bords ensemble, parce que c’est un créneau qui bastonne, qui est là, et faut pas le rater. Donc t’es pas en train de traîner. Et ben j’ai un de mes deux petits copains qui a pris un cargo de nuit. Voilà. Parce qu’à un moment donné, à force de prendre des paquets de mer dans la gueule, parce que le créneau a bougé, on est passé sur du près. Donc moi j’ai carrément enlevé le bimini, et on passait les nuits à se faire rincer derrière la barre, à côté du pilote, à veiller. Donc deux équipiers, quand j’ai fait ça, mais on a fait nos quarts, on est restés dehors, on a surveillé.

Et le cargo, lui, il l’a pris dans la gueule. On l’a croisé aussi. Nous, on s’est dérouté, on est passé derrière. Lui, il ne s’est pas dérouté. Il n’est pas passé derrière, parce qu’il n’était pas en train de faire la veille. Et pourtant, on était pas dans du gros, gros temps. Voilà, il a tapé. Ils n’ont pas coulé, mais ils ont tendu tout l’avant du bateau, ils ont perdu… donc ils ont déchiré la voile d’avant, il était monté en contre, le premier étais lâché, donc il est… bon bref.

Ils ont fait un appel VHF au milieu de nulle part, y’a pas un Coast Guard qui s’est déplacé. Ils ont navigué en mode dégradé pour rejoindre je ne sais plus où, mais ils ne sont jamais arrivés là où ils devaient arriver.

Tout ça pour vous dire que la veille de nuit, c’est pas anodin. On en connaît, des gens qui tapent, qui percutent, qui se font peur. Et par nuit très noire, c’est encore plus difficile. Par nuit un peu éclairée, voilà, s’il y a une bouée, une trappe à poissons, une chose comme ça, c’est pas depuis ton cockpit que tu vas la voir. Il y aura pas une lumière qui te la signale.

Et dès que vous sortez un petit peu de ces endroits très réglementés comme l’Europe, les Canaries, etc., il faut faire gaffe. Tous ceux qui naviguent dans les Antilles, pratiquement — je connais personne qui va… je connais personne… il y en a qui le font, mais aller s’engager ne serait-ce que dans le chenal de rentrée du Marin (en Martinique), alors une fois que tu es dans le chenal, que tu as passé les premières bouées et que tu es à peu près au niveau du club Med, ça va. Mais avant ça, quand tu es dans le chenal, faut savoir que les Martiniquais, ils vont jusqu’à mettre des bouées de pêche là-dedans.

Donc tu as une chance sur deux que, de jour, tu les vois et tu dis : « Non mais c’est pas vrai qu’ils ont mis des trappes de pêche dans le chenal ! » Les mecs, ils n’en ont rien à faire. Il y a personne qui vient surveiller. Et voilà. Et ça arrive tous les quatre matins qu’il y ait un mec qui se prenne une bouée dans l’hélice.

Donc tu vois, on n’est pas au fin fond des Philippines où il y a des pêcheurs partout qui font n’importe quoi. Pourtant, on est en Martinique, île française, réglementée, etc. Mais bon, c’est un peu plus cool. C’est la vie au soleil, la vie où on fait un peu ce qu’on veut. Donc ben ça, de nuit, par nuit noire, quand tu rentres dans des endroits comme ça, eh bien bien sûr, si vous rentrez de nuit, vous mettez quelqu’un à l’avant du bateau pour aller checker les bouées.

Et c’est un exemple : tu es à 3000 de la côte, il peut très bien y avoir un mec avec une barque de pêche qui sera invisible sur ton radar, invisible sur ton AIS, et le mec, il est tranquillement en train de dormir dans sa barque de pêche, en train d’attendre que sa canne à pêche ou son filet se remplisse.

Et ben si tu es à l’extérieur, tu vas le voir.

Donc si tu es à l’extérieur, tu vas le voir. Si tu es à l’intérieur, tu ne le verras pas. Et c’est comme ça que les accidents arrivent. Parce que les feux de navigation, c’est bien, mais encore faut-il que les autres soient capables de les voir, qu’ils aient quelqu’un en veille, qu’ils soient réveillés, qu’ils aient du matériel qui fonctionne, qu’ils aient un radar allumé… et ce n’est pas toujours le cas. Et quand toi, tu es en veille active dehors, tu as une chance de voir ces petites embarcations sans feu, sans AIS, sans radar, et sans bruit. Et parfois, c’est à peine une silhouette à l’horizon, un flash léger, une ombre, mais c’est suffisant pour éviter un accident.

Donc voilà pourquoi je vous dis, pour les navigations de nuit en catamaran : oui, on est confort, oui, on est tenté de rester au chaud dans le carré, à regarder l’électronique et à se dire que tout roule… mais la veille visuelle, elle ne se remplace pas. Et en bateau, ce qui est vrai de jour l’est encore plus de nuit : on navigue avec ses yeux. On ne navigue pas uniquement au radar ou à l’AIS. On navigue en regardant dehors, en anticipant, en doublant de vigilance quand les conditions sont sombres, quand on est proche des côtes ou dans des zones de pêche artisanale.

C’est encore plus vrai quand on est en catamaran, parce que le confort intérieur peut être trompeur : tu crois que tout va bien, que tu peux tout gérer depuis l’écran, mais dehors, la réalité est autre. Il y a des pêcheurs qui n’ont pas de lumières, il y a des objets flottants, des filets, des corps-morts, des bouées sans réflecteur radar, des radeaux de fortune… Et si tu dors à moitié dans le carré en te fiant à ton AIS, tu les verras trop tard — ou tu ne les verras pas du tout.

Donc voilà le message que je voulais vous passer avec cette vidéo. C’est peut-être du rappel, peut-être que vous le savez déjà, peut-être que vous faites déjà la veille dehors comme il faut, que vous avez vos feux en tête de mât et que vous avez même réfléchi à leur position et à leur visibilité dans les vagues. Peut-être que vous avez même un projecteur de pont ou un petit phare à LED pour checker l’avant du bateau la nuit. Super. Mais si ce n’est pas encore votre cas, alors pensez-y sérieusement.

Parce que la navigation de nuit, c’est agréable, c’est magique, c’est paisible… jusqu’à ce que ça ne le soit plus. Et là, il faut que tout soit prêt. Que la veille soit faite. Que les bons réflexes soient là. Que vous soyez visibles. Et que vous, vous puissiez voir.

Voilà. Merci à tous et à toutes d’avoir suivi cette vidéo. J’espère qu’elle vous aura apporté quelque chose, qu’elle vous aura rappelé des bases utiles ou ouvert les yeux sur des détails qui comptent. Naviguer de nuit, c’est pas compliqué, mais c’est pas à prendre à la légère non plus. Je vous souhaite à tous de belles navigations, de belles nuits tranquilles en mer, et je vous dis à très bientôt pour une prochaine vidéo.